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Quand mon quotidien cri à l'aide!

29 Mars 2021, 15:42pm

Publié par Féli-icie

Quand mon quotidien cri à l'aide!

                Stress de la tête aux pieds, et des pieds à la tête, j’attends une remplaçante de dernière minute. Je précise qu’en dix ans de vie à domicile, pas moins de deux cent trente « auxiliaires » sont passées chez moi, dans mon intimité. Il y en a eu « seulement » une trentaine avec qui ce n’était pas la peine d’insister ! Ça s’était plutôt (très) mal déroulé. Pour elles, pour moi, pour l’ensemble des protagonistes. « ‘’Seulement’’ ? Ça fait déjà beaucoup Madame G. » N’hésite jamais à me préciser la personne du réseau de prestataire, en charge de mon dossier, lorsqu’elle m’accuse une nouvelle fois, à tort et à travers, d’avoir été difficile – je vous la fais courte. D’ailleurs, si vous voyez le dossier : cinq fois plus volumineux que mon dossier médical. Je ne savais pas que j’avais signé pour une vie pleine de traces écrites. Ai-je un droit de regard sur ce dossier aux antécédents multiples ? L’employée, d’un jour en général  est encore venue au bureau, visiblement se  plaindre!? Ah bonjour la communication et  la compréhension des situations. Pardon, mais merci pour l’image ! Souvent, il s’agit de personnes, très jeunes comme moins jeunes, débarquant dans le métier, sans expériences. A l’entretien d’embauche, elles cochent des cases. « Aime le contact humain » = oui, « Sait faire la vaisselle » = oui, « Préparer les repas »  = pas trop, mais ça ne me fait pas peur, « Sait faire une toilette » = non mais je vais me débrouiller (ça ne doit pas être si compliqué! ? ). Et la voilà discernée de la mention d’aide à domicile ! Je n’ai rien contre la bonne volonté mais tout métier s’apprend, et il ne suffit pas non plus d’aimer le contact humain pour obtenir un passe-droit dans l’aide à la personne ! En effet, ce métier s’apprend et s’apprendrait encore mieux – pardon – si les lieux de formation acceptaient de recevoir l’expertise des personnes en situation de handicap. Car là aussi, les discours de formateurs, j’en ai eu des échos, ne sont pas vraiment éthiques. Un autre débat dans le débat.

                Le téléphone sonne. La prestataire me dit que « l’auxiliaire » ne trouve pas mon habitation, et me demande si ça ne me dérange pas de sortir pour lui faire signe. En tenue de nuit ? Perplexe, j’accepte cependant. Mais comment aurait fait cette employée si j’avais été alitée. Accueillir quelqu’un en tenue de nuit, même une auxiliaire, est en somme assez déstabilisant, et accentue indéniablement cette position d’infériorité /supériorité que certaines peuvent avoir mon égard. Je ne manquerai d’ailleurs pas de la ressentir ici, avec cette jeune de vingt-trois ans. En pleine émancipation, à cet âge, on a un besoin accru de se valoriser, de se sentir valoriser, et d’être valorisée.  Je suis aussi passée par-là. Alors lorsqu’on aide quelqu’un, visiblement considéré comme fragile et assisté, la case de mise en valeur triomphe !  Ce côté hautain, je peux aussi le ressentir chez des « auxiliaires » plus âgées. Et moi, suis-je aussi hautaine ? Et si c’était qu’une question de place à trouver dans une intimité qui m’appartient pleinement mais que je suis contrainte de partager ; et dans une intimité où elles sont étrangères mais où elles doivent pleinement exercer leur travail ?                                                                                                                                                                             Le portail s’ouvre, et une voiture s’y arrête juste devant.  C’est elle ! Son chauffeur repart !! Ayant le flegme de sortir dans la rue pour faire demi-tour, je m’évertue à rouler à reculons sur mon allée de cinq mètres de long. « Ma pauvre petite dame, je suis vraiment désolée ! » Me dit la remplaçante d’un jour. Etonnamment, je ne relève pas d’un ton cru, mais fais plutôt de l’humour. Je ne suis pas certaine de m’être fait comprendre sur toute la ligne. . . A vrai dire ici, toute ma concentration porte sur le fait d’éviter de me prendre le mur d’un côté comme de l’autre, donc de rouler droit à mesure de mes difficultés de coordination. Bref !

                Toujours le stress au corps et à la tête, je la sens moyennement cette nouvelle recrue. Cependant, comme à mon habitude, je l’invite à s’asseoir pour que nous puissions nous présenter, et lui propose un « café ». Souvent, et certainement par peur, je commence à l’envers. Je suis. Jeune femme avec mouvements-contractions involontaires, s’amplifiant lors de la moindre émotion, en l’occurrence la première fois fait réagir mon corps. Il est très donc important de prendre le temps de m’écouter, et de m’aborder normalement. J’essaye le plus possible de bannir les « Il faut ». Je suis adulte, j’ai une vie après vous, je connais parfaitement mes besoins ; je travaille – ça, je le dis qu’en dernier recours, en général. Tant de justifications pour espérer exister un minimum à ses yeux, et surtout pour faire valoir ma place de personne autonome et responsable. Face à cette présentation, les réactions sont multiples. Souvent, elles restent sans voix. Ça peut être très déstabilisant aussi. En même temps, je suis tellement stressée que j’ai besoin d’enchainer les mots le plus vite possible, avant de me la faire couper courte. Parce-que ça aussi, ça m’arrive : « Ah oui, je comprends, c’est comme… ».  C’est comme rien du tout. . .  Ou : « Oui oui, je sais, on m’a prévenu !! ».  Pardon, mais c’est quand moi la mieux placée pour expliquer en détail ma situation et mes besoins, et en plus, de manière beaucoup plus juste que le commentaire qui lui a été remis. Chance ou pas, j’ai pu réécrire ce commentaire. A-t-il été mis à jour pour autant ? Avec cette jeune femme de vingt-trois ans, je me sens déjà prise de haut et à la fois, je la sens perdue.  Je lui explique grossièrement le dérouler de l’intervention, en précisant revenir sur les détails au fur et à mesure de celle-ci. Presque stoïque.

                « Et vous alors ? »  Après tout, j’ai aussi le droit d’en savoir un minimum. La porte de mon intimité lui est grande ouverte, alors que je ne la connais point. Devrais-je faire confiance à toutes ces « auxiliaires », parfois d’un jour, sous prétexte que j’ai absolument besoin d’aide ? Souvent, elles ne me disent pas grand-chose, comme si elles souhaitaient démarquer leur place professionnelle de la mienne. La plupart du temps, erronée à leur image. Ici, ça fait deux semaines qu’elle a été embauchée dans ce service. Avant mademoiselle travaillait chez un autre prestataire, en tant qu’aide à domicile aussi. Elle aime S’OCCUPER – terme que j’horrifie dans ce genre de contexte – des gens, et elle aime le contact physique. Que signifie pour elle, « aimer le contact physique » ?

                « Alors, ON y va !? Par quoi, ON commence ? » Me crie-t-elle, d’un ton aussi condescendant qu’infantilisant, comme si un audioprothèse datant 1945 me maintenait en veille. Très sensible aux mots, et à la manière dont on m’approche/m’aborde, « malheureusement », mon opinion semble déjà toute tracée. Plusieurs fois, je serai obligée de remettre les choses dans leur contexte, jusqu’au moment où je me mettrai à crier un bon coup. Lorsque j’éclate, c’est avant tout pour me décharger. Même si mes mots peuvent être forts, loin de moi, de vouloir manquer de respect, ou de vouloir faire mal à qui que ce soit.  Les émotions font pleinement parties de la vie, et se démultiplient chez moi. C’est ainsi. Les expériences m’apprennent à mieux les gérer.

                 « ON commence par la vaisselle ! » Dis-je en serrant déjà des dents. Après avoir brièvement écouté mes souhaits, elle commence à faire la vaisselle. Mon gros point faible, est de ne pas savoir lésiner sur les détails. Même si c’est la première fois, même s’il est question d’une seule fois avec cette personne. Tout a tendance à me sauter aux yeux et au corps. Travail en cours. Comme je dis souvent, tous les gestes que je  ne peux faire physiquement seule, je les dessine mentalement au millimètre près. Toujours un peu tendue, mais posée, je lui demande poliment de bien vouloir laver mes pailles de telle manière. Alors, qu’elle ne m’a pas encore exprimé un mot, hors présentation, voilà qu’elle s’énerve vraiment en jurant : « Oh put******, je ne comprends pas, fait ch********. . . . ».  Comment ? Très émotives elles aussi, certaines jeunes peuvent peiner à mesurer leurs mots. J’avais une jeune femme qui, à deux-trois reprise m’avait vulgairement dit de fermer ma bouche face à mes demandes un peu minutieuses. J’avais dû apprendre à la connaître. Ici, à mon tour, je me fous en rogne, mais assez vite, je redescends. J’ai appris à redescendre aussitôt. Cependant, je ne peux m’empêcher d’épiloguer pendant quelques minutes, en lui expliquant qu’elle est au travail ici, qu’elle n’a pas à jurer ainsi, et que mes difficultés d’élocution ne dépendent pas de ma volonté. Elle sait. Je souffle et reprends mes explications techniques où il m’est parfois difficile de me faire comprendre sur l’exactitude de mes souhaits. Je perds pied deux secondes, et repars naturellement. En somme, il suffit souvent de quelques interventions pour m’acclimater à la manière de travail, propre à  chacune, et pour lâcher-prise sur certains détails.            Pour essayer de créer un semblant de climat de confiance et d’aise  pour nous deux, je m’intéresse à elle. Au fait, c’est sincère. . . Réponses brèves. Lors de la mise à jour du fameux commentaire, j’avais précisé mon souhait que les « auxiliaires » restent assez discrètes mais que cela n’empêchait pas la communication, au contraire. Je sais que la chargée de dossier n’avait pu s’empêcher de stipuler de « faire attention à votre positionnement professionnel ».  Waouh, quelle notoriété. Pardon c’est plus fort que moi. Mais qu’est-ce que le positionnement professionnel ? Comment l’interprètent-elles ? Aucun intérêt porté à la personne aidée. J’en ai plus que l’habitude. Je ne suis pas là pour déballer mon histoire non plus. Une nouvelle fois, je me contenterais de la technique, en ayant le sentiment plus qu’amère de n’être qu’une condition. Une personne sans vie qui attend  ce que l’on  nomme aussi innocemment que confortablement, et qui me fait rugir de révolte : L’ASSISTANAT !

                L’heure tourne et je m’en inquiète car le moment de la douche n’est pas encore arrivé. Et cette partie m’est particulièrement délicate, aussi bien dans les gestes que je reçois que dans la manière dont on m’approche. Je n’aime pas laisser une « auxiliaire » seule les premières fois, mais ici, je n’ai pas  le choix.  Au vu de son rythme que je me dois d’accepter, j’hésite même entre toilette de chat et toilette à grande eau. Je  lui demande de bien vouloir me lier les cheveux. « Vous avez bien dormi ? » Me hurle-t-elle dans mes audioprothèses inexistants. Cette question de la première fois me fait toujours sourire jaune, car la plupart du temps, je sais pertinemment que quelle que soit ma réponse, cela ne nouera pas le dialogue. Et puis ai-je vraiment envie de répondre à ce genre de questions à la première venue?  Question de principe, c’est ça?                                                                                                                                                   Sous mes recommandations, je la laisse terminer dans la cuisine et file seule à la douche. En temps normal, je suis intégralement aidée pour cet acte.   Qui aide qui ?  C’est bien trop souvent la question que je me pose. Après avoir pris brusquement attrapé  mes affaires, je m’enferme dans la salle de bain, laissant l’espace suffisant pour que la remplaçante puisse passer en cas de besoin. A plusieurs reprises, je l’appelle, avec délai plus ou moins long. Mais à aucun moment, elle n’a la présence d’esprit  de me demander, juste par principe et par pudeur, si elle peut entrer ou encore, si elle peut passer la tête derrière le rideau pour entendre  mon besoin. Ça aussi, j’en ai hélas l’habitude. Je finis par m’en agacer. Qu’est-ce que rentrer chez quelqu’un ? Qu’est-ce qu’aider quelqu’un dans son intimité ? Peut-être faudrait-il se poser ces deux questions, semble-t-il fondamentales, avant de « prétendre » venir en aide à quiconque ? Et ce sous prétexte de savoir-faire.                                                                                                                                                                                    

                Je lui explique, encore une fois avec exactitude, la manière dont manier mon fauteuil roulant électrique. J’ai placé la vitesse de façon qu’elle n’ait pas de problème. Le retrait se passe bien. L’aide très partielle à la douche est un peu laborieuse. Aucune question ne m'est posée.  De nouveau et plusieurs fois, je perds pieds. Passons. Je suis debout. A moitié habillée. J’attends le retour de mon fauteuil. Soudainement, la remplaçante d’un jour, perd le contrôle de celui-ci. Et fonce partout. J’ai bien cru que ma paroi de douche allait y passer. Stress ou pas, de telles choses ne devrait pas arriver. Mon déséquilibre inné commence sérieusement à vaciller. Elle semble reprendre un peu la main quand elle se met de nouveau à accélérer et me fonce littéralement dans les jambes. Je tombe. Mon cou se fléchit. J’aurai gagné une nuit atroce où mes mouvements-contractions amplifieront la douleur et inversement. Et trois jours de minerve. Ce n’est pas la première fois. Et au fond, ce n’est pas directement de sa faute. Là-haut au bureau, on  en sera sincèrement désolée. Point. « L’auxiliaire » leur a juste dit que ça s’était mal passé – moi qui pensait qu’elle resterait discrète sur le sujet, et surtout, qu’elle saurait faire la part des choses. Elle me l’avait affirmé d’un simple signe de tête. A aucun moment, elle n’a évoqué ma chute. Point.  Omission, ou  préservation de son emploi ?  A mon avis, ce n’est pas demain la veille, qu’elle perdra son travail. Quoiqu’il arrive. Quoiqu’elle fasse. Chute.  Généralement, j’imagine assez mal les « auxiliaires » m’aider à me relever. Sans mépris aucun. Cela fait l’objet d’une technique particulière. Seule, de la position allongée, je passe alors assise. Merci mes abdos ! Puis, je marche sur les fesses jusqu’aux toilettes. Là, je m’agrippe de toutes mes forces aux deux barres d’appui. Pousse très fort sur mes jambes. Tire très fort sur mes bras. De par ma pathologie, la  plupart de mes muscles, extrêmement contractés, sont, par conséquent, extrêmement forts. Tout cela, n’est pas sans mal. Tout mon corps sollicite un maximum d’énergie. A longueur de temps. Mais ici encore plus.  A mi-hauteur, je tombe de nouveau. Je recommence. J’y suis presque. J’y parviens. Je n’en peux plus. Elle réussi à approcher le fauteuil, en quinconce par rapport à moi.  Pour éviter d’autres dégâts, je lui dis d’arrêter là. Je me décale alors et m’écroule enfin sur celui que j’ai tant attendu. Essoufflée, mes jambes flageolent, et mon cœur met cinq bonnes minutes avant de reprendre un rythme normal. Je suis crevée, anéantie, presque désespérée.  Si mademoiselle semblait avoir été brièvement accablée devant ma chute, mon bien-être « actuel » n’a pas l’air de l’alarmer plus que ça. Je me révolte quelques instants sur les grandes failles de l’aide à domicile. Il faut que ça s’arrête. Pour aujourd’hui, un bref coup de brosse à cheveux. Plus la force d’exiger quoique soit. Pas de make up non plus. Plus rien... Tant pis ! Tant pis pour l’image. J’en ai l’habitude !

                Avant qu’elle parte, je lui fais chauffer mon café de fin de matinée. J’en  ai bien besoin. Je lui affirme être sincèrement désolée de la tournure de cette intervention ; nous ne sommes visiblement pas faites pour travailler ensemble. Ici, je prône la communication et la relation d’adulte à d’adulte. Toujours pas un mot de son côté. Incroyable mais vrai ! « Alors quelle couleur la paille ? C’est vous qui choisissez . . . » Pitoyable !

                Comment se sentir à l’aise et en confiance sans aucune véritable communication ? Comment ne pas se sentir énervée face au mutisme de certaines aides qui viennent combler 85% de mes gestes de la vie quotidienne ? Que dois-je faire de plus pour établir un vrai dialogue ?  Et si inconsciemment, l’expression  hors du commun de mon corps leur faisait peur ? Et si un jour, arrivait un véritable accident, que ferait-on ?  Que cherchent réellement ces personnes en poussant la porte de l’aide à la personne ? Ont-elles conscience de toutes les complexités de ce métier ? Alors, avant de parler de revalorisation de celui-ci, peut-être devrions-nous nous intéressés de beaucoup plus près aux profils recrutés  ,  et ce en leur transmettant des connaissances et des informations solides, et en leur enseignant les « bonnes pratiques ». Mais comme l’acclame le slogan : « Rien sur nous, sans nous ! »

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Bonjour, Félicie, <br /> Avec quelques personnes en situation de handicap moteur,<br /> nous venons de créer un collectif sur la problématique de l'aide à domicile. <br /> Si tu veux te joindre à nous. Toutes les infos sont sur notre site http://www.handi-collectif.org/. Belle journée, prends bien soin de toi.
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